L'Europe par le rail

Le train, catalyseur de l'identité européenne ?

Entretien avec M. Luc Aliadière, Directeur des Affaires Européennes à la SNCF

4 juin 2004

Lors de notre rencontre avec M. Aliadière, nous avons tenu à connaître le positionnement de la SNCF vis-à-vis de la prochaine libéralisation totale du marché ferroviaire et particulièrement son avis quant à la libéralisation du trafic des passagers pour 2010.

Si la SNCF a, à un moment donné, tenté de faire obstruction à une éventuelle libéralisation, la situation est, selon M. Aliadière, différente depuis quelques années. En effet il est désormais acquis que cette réforme aura lieu, mieux vaut donc l'accompagner. L'objectif de libéralisation est également accepté de fait par les syndicats, cependant ces derniers comptent veiller à ce qu'il se fasse dans les meilleures conditions possibles, en respectant leurs vues et leurs acquis.

Il est unanimement admis que le but des compagnies ferroviaires dont la SNCF, est « l'efficacité ». Des divergences existent cependant quant à l'appréciation de l'efficacité de chacun. La Commission a ainsi établi un système de ratio (nombre de trains circulant / le nombre de kms de lignes) chargé de juger l'efficacité d'un acteur ferroviaire sur le territoire européen. Elle en déduit que le ratio français est inférieur à son potentiel, et que la SNCF doit prendre des mesures pour lutter contre son retard afin d'offrir le meilleur service possible à ses usagers. M. Aliadière nous a fait part de son désaccord avec M. Vinois sur ce point là, arguant que « l'efficacité ne se calcule pas par un ratio, la géographie humaine n'étant point divisible ». Le réseau allemand (souvent présenté en exemple par la Commission à la SNCF suite au très bon ratio allemand) ne serait ainsi pas comparable au réseau français puisqu'il ne reflèterait pas la même topologie géographique.

La volonté de la SNCF est d'arriver à convaincre la Commission de la situation particulière de chacun des acteurs ferroviaires dans le jeu européen, et de la sienne bien différente de celle de la DB. En effet cette dernière a bénéficié du soulagement du poids de sa dette par l'Etat allemand en 1994, tandis que la SNCF, si elle est moins endettée qu'elle ne l'était, n'a cependant pas la possibilité d'avoir la même approche stratégique que celle allemande. A l'approche prédatrice de la DB, elle privilégie, selon M. Aliadière, l'approche amicale, consistant en un réseau d'alliances.

Bien que la situation des deux acteurs, français et allemand, soit différente, la conclusion de la SNCF rejoint celle de la Commission à certains égards : la SNCF accuse un réel retard vis à vis de la DB dans le domaine du fret. Concernant le trafic des passagers, la réalité montre une

avance importante de la SNCF qui obtient de bons résultats en trafic intérieur français et a d'ores et déjà noué des alliances efficaces avec tous les opérateurs voisins, à l'exception de la  DB avec laquelle des négociations sont en cours. Pour autant la SNCF considère qu'elle doit continuer de progresser dans ce domaine, notamment sur une partie de l'offre de trains corail.

La SNCF, par l'intermédiaire de M. Aliadière, reste persuadée que malgré le retard et les différences qui peuvent exister entre les acteurs ferroviaires européens, la voie choisie par la Commission n'est pas la plus efficace. Selon lui, cette politique ne développerait pas le ferroviaire mais mènerait au contraire à la réduction du trafic ferroviaire, par des exigences financières insoutenables pour la plupart des acteurs. Il dénonce en conclusion le caractère schizophrénique de la politique menée par les institutions, qui bien que voulant développer le modèle ferroviaire européen, atrophient les compagnies ferroviaires nationales.

C'est donc dans un esprit de conciliation et de dialogue que la SNCF souhaite être présente à la conférence qui se tiendra à Sciences Po au printemps 2005, afin d'évoquer ensemble des solutions pour un avenir ferroviaire commun.   

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